Dimanche 1er septembre, 9h15, départ de Papeete par la passe sud de Taapuna. Heureusement cette fois nous avons le courant avec nous car la passe est encadrée de deux magnifiques barres, de très belles vagues à surf où d’ailleurs les jeunes s’en donnent à cœur joie, encadrés par des engins motorisés pour les récupérer si nécessaire.

Nous comprenons maintenant pourquoi Tahiti se porte candidate pour l’épreuve de surf des Jeux Olympiques de Paris 2024. Et nous ne sommes pas face à la merveilleuse vague de Teahupoo, une des plus belles du monde qui déferle de l’autre côté de l’île.
Cette traversée s’annonçait compliquée, à l’image de la clairance de sortie : en tous cas la plus compliquée de toutes celles que nous avons connues jusque là. Il a d’abord fallu comprendre la procédure, aller de l’autre côté de la ville, au port de commerce de Papeete pour les formalités douanières, puis passer à l’immigration à l’aéroport, le jour du départ avec présence impérative de tout l’équipage. Nous ne sommes que deux, un taxi suffira. Nous compatissons pour les équipages nombreux.
Après la zone de dévent de Tahiti et Moorea, le vent forcit à 17-22 nœuds, sud-est : tout va bien mais cela ne va pas durer !
Lundi 2 septembre, le vent forcit à 25-30 nœuds. La mer devient forte, toile réduite. Allure inconfortable.
Mardi 3 septembre, nous hésitons à faire escale, comme prévu, aux Îles Cook à Rarotonga. Un coup de vent de secteur nord est annoncé sur la zone le 6 septembre ce qui rendrait le mouillage à Avatiu inconfortable voire impraticable, la passe étant ouverte au nord. In fine, nous décidons de contourner la dépression par le nord de l’Archipel des îles Cook et passerons au large de Aitutaki.
Mercredi 4 septembre, nous aurons parcourus 168 miles en 24h avec de jolis surfs à 9 ou 10 nœuds, le bateau n’est pas vraiment fait pour cela… Nous aurons eu une nuit agitée avec 28 à 33 nœuds de vent et des claques à plus de 40 nœuds. La mer s’est encore creusée et devient très désordonnée. De temps à autre, une vicieuse vague de travers projette, avec un soudaineté brutale, un paquet de 50 litres d’eau. Il n’y a plus ni une miette, ni un poil de barbe dans le cockpit !
C’est décidé, nous ne nous arrêterons pas aux Îles Cook et laissons passer Manuae et Aitutaki. Nous aurions aimé hisser le pavillon de courtoisie des Îles Cook qui vu de loin, comme le faisait judicieusement remarquer Jean-Loïc dans les commentaires du blog, semble juxtaposer l’Union Jack britannique et la couronne d’étoiles du drapeau européen !

A regarder de plus près, les étoiles, au nombre de 15, représentent le nombre d’îles de l’archipel. Un peu dommage aussi car nous n’avons pas avitaillé beaucoup de frais ; il aurait fallu jeter fruits et légumes en débarquant aux Cook. La traversée sera frugale et peu variée : pâtes, riz, oignons, et les conditions ne nous incitent guère à nous concentrer sur la mise à l’eau d’une ligne à thon.
Vendredi 6 septembre, le vent reste fort et devient irrégulier. Quand, à une heure du matin, par nuit noire et pluie battante, et fraîche, les subtilités de la zone de convergence du Pacifique sud échappent totalement à l’homme de quart : voici ce que ça donne en trajectoire…

En quelques minutes, le vent était passé de Est-Nord-Est 15-20 nœuds à Sud-Sud-Est 15-20 nœuds.
La trinquette est de sortie et nous filons plein Ouest totalement secoués. La seule position soutenable est à l’horizontale, et nous nous calons dans les banquettes du carré avec toile antiroulis. Depuis huit jours, pas un oiseau, pas un bateau, pas un soleil. Nous aurions presque froid. Nous apprendrons à l’arrivée que nous n’avons pas été les seuls à subir les caprices de la zone de convergence du Pacifique Sud. Tous les équipages sont arrivés aux Tonga très fatigués !
Dimanche 8 septembre, enfin une belle journée et nous décidons de faire une escale non prévue, à Niue, un des plus petits états du monde, pour nous permettre de consolider une couture de la grande voile en train de lâcher.

Le travail est fait à la main pour profiter des trous d’origine. Une petite retouche au génois sera réalisée dans la foulée. Avant d’arriver à Niue, nous pêchons … une sterne qui se débat au bout de la ligne. Nous lui rendons la liberté, délivrée de l’hameçon elle repart saine et sauve. Soulagés ! C’est beau une sterne.
Mardi 10 septembre, après une nuit claire et de quasi pétole, nous sommes en vue de Niue qui ne présente ni les reliefs spectaculaires des îles volcaniques des Marquises ou de la Société, ni ceux très plats des atolls des Tuamotu. C’est une sorte de galette de 30 à 50 mètres de hauteur, bordée de falaises dentelées, de couleur crème à ocre : ce n’est que du corail. A l’approche sous le vent, l’île nous offre son parfum de tiaré. Aucune anse ni pointe ne la protège de la houle et du ressac. L’île est entièrement bordée d’un platin corallien. Les autorités, pour accueillir les voiliers, ont installé une quinzaine de bouées par trente mètres de fond. Quand nous arrivons, à 11 heures, « Ouf », il reste trois bouées libres.
La douane locale, contactée sur la VHF 16, nous donne rendez-vous à terre à 14 heures en même temps que les deux autres bateaux arrivés dans la matinée, un suédois et un américain. Et nous sommes tous installés dans un petit belvédère exposé aux vents pour remplir ensemble nos formulaires en présence des trois agents locaux, un pour la douane, un pour l’immigration, un pour l’agriculture. La pus rapide, agréable et originale clairance que nous ayons connue jusqu’ici.
Le débarquement à terre est particulier : le ressac est tel que nous ne pouvons laisser les annexes à l’eau. Elles doivent être hissées sur le môle. Un treuil électrique a été installé et est à disposition des usagers. Pour le canoë, point besoin de tout cet attirail mais quand le niveau monte et descend de plus d’un mètre il faut faire vite pour sauter sur la marche !
Mercredi 11 septembre, visite de l’île, à vélo bien sûr. Niue compte 1 600 habitants et de nombreuses merveilles. Premier arrêt à la salle municipale.

C’est la fête au village avec vente de paniers et chapeaux tressés et tissus brodés, boisson et buffet. A 30 mètres d’altitude, la route est plate. Elle est bordée de tombes par groupes de trois ou quatre. Pas de cimetière. Les morts occupent leur éternité à regarder passer leur descendance.
Féérique baignade dans une des piscines naturelles protégées par le platin corallien et s’enfonçant dans des grottes aux dimensions impressionnantes dont la côte est truffée. Randonnée jusqu’à la double arche après 30 bonnes minutes de marche dans le bush, végétation dense et de faible hauteur, 3-4 mètres d’essence diverses avec beaucoup de nonis.
Pour vous donner une vague idée du goût de ce fruit, prenez un bon morceau de cet excellent fromage qu’est le roquefort, ôtez-en l’onctuosité pour n’en garder que la force, faites-en une concentration essentielle, incorporez-la dans une gélatine pure. Goûtez et vous approcherez la sensation vécue en croquant dans le noni. En fait, il ne se mange pas mais s’exporte pour confectionner des produits cosmétiques ou pharmaceutiques.
Le chemin est de corail, agressif, râpeux et tranchant, sans terre, peuplé de crabes, de petits lézards sauteurs, de jolis papillons noirs. Au bout, se dévoie la double arche de Talava sur fond bleu : grandiose. Incroyable ce que l’eau réussit à sculpter dans la roche.
Le polynésien de Niue est fort différent de celui des îles françaises et même de l’Île de Pâques. Nos rudiments linguistiques sont ici obsolètes. Par exemple, bonjour ne se dit pas iorana mais fakaalofa atu, merci fakaaue lahi et non maururu.
Vendredi 13 septembre, nous quittons cette île attachante, direction les Tonga, groupe Vava’u, groupe du nord.
Traversée plus que moyennement confortable pour ne pas dire pénible. Les fonds marins sont tourmentés. Nous passons dans l’après-midi du 14 septembre, d’une fosse de 9500 mètres à un haut fond de -127 mètres.
Nous devions arriver le dimanche 15 septembre. Et bien non, privés de dimanche ! Nous venions de franchir la ligne de changement de date. Nous sommes le lundi 16 septembre à Neiafu.
Vous n’êtes pas loin de Nomuka qui vit la mutinerie du Bounty…
On pense bien à vous en contemplant les pavillons de com-plaisance dans les ports de la Côte d’Azur, notamment à Saint-Tropez où je dus m’abriter d’un coup de vent récemment: Cayman, Bikini… Cela fait rêver, forcément..
Bises.
JLC
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On attend désespérément une éclaircie à primel mais même si vous êtes magnifiquement récompensés nous nous contenterons de nos ronds dans l’eau et su spectacle inédit pour nous d’une centaine de fous de bassan qui chasse au milieu de marsouins …..
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PS: la première version du drapeau européen (25 septembre 1953) comportait aussi 15 étoiles… La version actuelle à 12 étoiles sera adoptée 2 ans plus tard, 12 étant supposé être un nombre hautement symbolique.
JLC
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